Mis à jour le 28 juin 2023

Les rêves de Renaud Chantegrelet

Paraplégique depuis ses 14 ans, Renaud Chantegrelet n’a eu de cesse de poursuivre son rêve de voler. Après avoir obtenu son brevet d'avion, il est aujourd’hui le premier pilote d’hélicoptère paraplégique au monde. Récit.

Renaud Chantegrelet est un homme occupé. Entre ses trois restaurants (dont le fameux « Paulette » au 110 Rue Camille Desmoulins) et sa passion pour le vol, cet homme de 40 ans est constamment en mouvement. Lorsque nous le rencontrons en cette fin du mois de mars, il passe nous chercher avec son pick-up, propose de réaliser l’interview chez « Paulette » avant de se raviser pour prendre la direction de l’héliport. Quelques minutes plus tard – et quelques collègues pilotes salués en chemin–, nous traversons les lieux jusqu’à un modeste appareil posé devant la piste : une Alouette-2, son hélicoptère. 

Un rêve d’enfant 

L’héliport d’Issy-les-Moulineaux, Renaud Chantegrelet le connaît bien. « Depuis mon plus jeune âge, mes parents m’emmenaient le dimanche au parc de Saint Cloud en passant devant l’héliport. J’ai toujours été fasciné par ces machines. Du coup, même aujourd’hui lorsque je dois me rendre quelque part, je m’arrange toujours pour passer devant. » Originaire de Nasbinals sur le plateau de l’Aubrac, peu intéressé par un parcours scolaire, il devient à 18 ans le plus jeune buraliste de France en ouvrant une cave à cigares à Bercy Village qu’il tiendra pendant 7 ans. Son ambition professionnelle est d’ouvrir un restaurant et il y parviendra 9 ans plus tard avec une première enseigne à Boulogne-Billancourt. Par attachement pour la ville d’Issy-les-Moulineaux et pour son héliport, il désirait ouvrir un restaurant à proximité. Il trouvera quelques temps plus tard l’emplacement idéal, dans l’axe exact et sur la finale de la piste de l’héliport d’Issy, d’où il verra les hélicoptères arriver et partir. 

Un rêve brisé  

Le 6 mars 1994, à l’âge de 14 ans, Renaud Chantegrelet est victime d’un accident de motocross à Nemours. Les pompiers le prennent en main, puis le SAMU qui l’emmène à l’hôpital de Nemours. Sa moelle épinière est comprimée : il doit être transféré. C’est ce jour-là qu’il fait son baptême d’hélicoptère à bord de l’appareil de la sécurité civile qui l’emmène à l’hôpital de Garches. L’ensemble des opérations de secours prendra 9 heures, sa moelle épinière fera quelques jours plus tard un œdème, causant une paraplégie partielle définitive. Il reste un an à l’hôpital de Garches, de 14 à 15 ans, subit de nombreuses interventions, et passe son brevet des collèges. 

Il y a eu hier un accident à Fontainebleau. La sécurité civile décollait d’Issy 5 minutes après avoir été alertée et revenait 35 minutes plus tard pour déposer le blessé à l’hôpital Georges Pompidou. C’est incroyable. L’héliport de Paris-Issy est indispensable parce qu’il permet de sauver des vies. J’en suis donc l’un des grands défenseurs. 
Renaud Chantegrelet

Un rêve d’adulte 

Renaud Chantegrelet est un fou de sports mécaniques. Malgré son handicap, il s’adonne à de nombreuses disciplines – le quad, le karting, le ski – parce que la passion ne s’arrête jamais. Il commence à voler avec un paramoteur : un parapente avec un moteur dans le dos. Il découvre l’aéroclub des Mureaux Paul Louis Weiller, qui possède des avions équipés de malonnier, ouvert autant aux pilotes valides qu’aux pilotes handicapés physiques. Grâce à ces avions équipés de commandes "toutes manuelles", il est possible aux personnes handicapées des membres inférieurs de récupérer une pleine validité aux commandes d’un avion adapté. Il y passe son brevet de pilote d’avion, après un an de fréquentation tous les samedis. Il fonde alors l’association « Les Ailes de l’Aubrac »  pour permettre à des enfants en situation de handicap de voler. Chaque année, des pilotes font un tour des aéroclubs de France et effectuent bénévolement des baptêmes de l’air à des enfants handicapés. 

Un rêve d’amis 

C’est à l’aérodrome de Toussus-le-Noble où il a son avion que Renaud Chantegrelet entame un nouveau défi. « Les pilotes d’hélicoptère me savaient passionné par cette machine. Ils m’ont intégré à leur groupe Whatsapp et j’ai alors posé la question : à quand un hélicoptère adapté pour le pilotage par un paraplégique ? À l’époque, personne ne croyait cela possible. Mais j’ai eu une réponse, de Bernard Rohmer, qui me dit : j’y crois, je vais t’aider et on va y arriver. Il a tenu parole et on y est arrivé ! Le projet a mobilisé plus de 12 bénévoles, des amis aujourd’hui, qui ont consacré 24 mois de leur temps à sa concrétisation, sans compter mes deux instructeurs Michel Anglade et Stéphane Buy. On avait quatre challenges à relever. Le premier était de trouver un hélicoptère de type Alouette-2, puisqu’on pressentait qu’il pouvait être facilement adaptable. Le deuxième était de développer le système de commande manuelle. Le troisième était la certification de l’appareil et le quatrième de passer le brevet de pilote d’hélicoptère. »

Ces challenges relevés les uns après les autres ont des allures de grand chelem. Le 18 février 2022, Renaud Chantegrelet devient le premier pilote d’hélicoptère paraplégique au monde à piloter le premier appareil à commande manuelle au monde. « Dans la vie, quand on croit à ses projets et qu’on se bat, tout est possible. » Il restait à trouver une place à l’héliport de Paris : « J’ai eu la chance d’être totalement soutenu par Rébecca Moreau d’Hélifirst qui m’a immédiatement ouvert les bras. » 

 Pendant une heure de vol, la vie est belle. Simplement belle. C’est un cadeau de la vie et je n’ai pas de mots. 
Renaud Chategrelet

Un nouveau rêve 

Renaud Chantegrelet souhaite à présent faire le tour de France en hélicoptère avec « Les Ailes de l’Aubrac », pour que des enfants handicapés découvrent cet autre type de vol. Il a aussi envie d’adapter une future machine, pour aller plus vite, plus loin, et aller, enfin, au bout de ses rêves.