Xavier Coste : “Enfant, j’ai toujours voulu dessiner”
Point d’Appui : Pouvez-vous nous présenter votre parcours de bédéaste, scénariste et dessinateur ?
Xavier Coste : Enfant, j’ai toujours voulu dessiner, et j’aimais écrire : quand j’ai découvert la bande dessinée, ça a alors été pour moi une évidence. C’est l’alliance du texte et de l’image, et j’y ai découvert un terrain de jeu que je n’ai plus jamais quitté. J’ai appris à faire de la bande dessinée en autodidacte, tout en ayant la chance d’être guidé par des auteurs dont j’appréciais le travail. Leurs conseils m’ont fait gagner un temps précieux ! Mon premier album Egon Schiele, vivre et mourir est sorti en 2012 chez Casterman. Depuis j’ai signé une dizaine d’albums, majoritairement des oneshots, des histoires indépendantes avec de nouveaux personnages. J’ai à cœur de me renouveler, et j’essaie de fuir la routine dans mon travail. Curieusement, avec Journal de 1985, c’est la première fois que je ressens l’envie de reprendre un univers que j’ai déjà exploré. Aujourd’hui j’ai à cœur d’écrire mes propres histoires, après avoir fait plusieurs adaptations de romans et biographies.
P. d’A. : Qu’est-ce qui vous a donné envie de transposer le roman 1984 de George Orwell ?
X. C. : J’ai découvert le roman 1984 à 14 ans, je me souviens de l’émotion que j’ai ressentie. Une lecture coup de poing ! On est plongé dès les premières lignes dans un univers dystopique fort. L’envie de dessiner et d’adapter ce roman est venue tout de suite, mais il m’a fallu prendre mon mal en patience. Après avoir discuté de ce projet avec des éditeurs, ils m’ont tous conseillé d’attendre que l'œuvre d’Orwell entre dans le domaine public, en 2021. J’ai donc mûri ce projet pendant une quinzaine d’années avant de le concrétiser. Le livre d’Orwell a tellement infusé en moi que l’envie un peu folle d’en livrer une sorte de suite a fini par s’imposer.
P. d’A. : Pouvez-vous nous expliquer votre méthode de travail pour 1984 et Journal de 1985 ?
X. C. : J’ai voulu bouleverser mes habitudes de travail quand j’ai attaqué l’adaptation de 1984. Comme c’était le projet le plus ambitieux que j’ai fait, j’ai eu envie de marquer le coup. J’ai opté pour un format inhabituel en BD : le format carré. Cela m’a permis d’aborder différemment l’espace des planches et ma façon de mettre en cases l’histoire. Côté dessin, j’ai voulu opter pour quelque chose d’assez radical par rapport à ce que j’avais fait jusqu’alors : j’ai opté pour une chromie réduite, donnant un dessin très contrasté, avec peu de couleurs, pour guider le lecteur dans sa lecture. Suivant la temporalité et le lieu où se situe l’histoire, la gamme colorée change.
P. d’A. : Et concernant le texte ?
X. C. : Côté texte, pour adapter 1984, je souhaitais proposer aux lecteurs une adaptation la plus fidèle possible au texte d’Orwell. J’ai travaillé à partir de la version originale en anglais, que j’ai retraduite avec l’aide de mon éditeur. En réalisant cette adaptation, des envies d’écriture me sont venues, mais je ne voulais pas les utiliser, je voulais rester respectueux du livre d’Orwell. Une fois édité, les idées ont continué à affluer, jusqu’à ce que l’envie irrépressible de faire Journal de 1985 s’impose. C’est assez mystérieux, car d’habitude on a besoin de provoquer les idées pour qu’elles viennent, et non l’inverse. J’ai beaucoup hésité à faire ce livre, mais j’avais une intime conviction, une envie sincère d’auteur, et les retours me ravissent !
Le point de départ de Journal de 1985 est que l’on découvre ce qu’il advient des personnages de 1984, avant de basculer sur de nouveaux personnages et de nouveaux enjeux… C’était important pour moi d’y inclure des éléments nouveaux, tout en essayant de respecter au maximum l’esprit d’Orwell. Ces deux livres sont ceux qui m’ont demandé le plus de travail, j’ai passé quasiment 3 ans sur chaque. Ça a été une expérience intense !
P. d’A. : Après avoir passé 15 ans de votre vie à cheminer aux côtés de George Orwell, quels sont vos prochains projets éditoriaux ?
X. C. : J’ai la chance que mon adaptation en BD de 1984 ait été remarquée : cet album m’a ouvert beaucoup de portes. Je travaille en ce moment sur plusieurs projets enthousiasmants. Un film d’animation adapté de ma BD est en cours de développement pour le cinéma. Côté bande dessinée, je termine un nouvel album très différent, très coloré, qui sortira l’an prochain. Comme pour chaque parution, j’ai hâte de le dédicacer dans les librairies isséennes !